top of page
" Le chalet de Mamie "
Résumé de la fin de l’épisode précédent.
La communication était difficile avec lui, malgré mon immense expérience en l’humain. St Exupéry écrivait que l’on ne voyait bien qu’avec le cœur alors je reliais ma pompe cardiaque à mon regard et j’arrivais à le captiver.
Cet enfant avait une âme pure, un cœur pur, ses parents catholiques fervents, n’auraient jamais pu laisser Charles-Henry aux mains d’une structure médicalisée, ou d’une congrégation religieuse.
Il vivait depuis sa naissance avec sa famille qui l’entourait et l’aimait sans conditions.
Episode 3
10- Mes valeurs
J’aimais la simplicité de cette famille, et son amour pour ce jeune homme, leurs valeurs rejoignaient mes valeurs. Ils aimaient sans conditions, ils l’aimaient sans conditions.
Marie-Eugénie me demanda de convier à prendre le thé, plusieurs voisines de Suisse et de France voisine dont la maman de Charles-Henry.
Qu’elle ne fut ma surprise en préparant la liste des invités, d’entendre ma générale me dire: qu’elle vienne mais sans son crétin de fils.
Mon sang bouillonnât, je décidais, comme écrit plus haut de ne pas subir, de ne pas accepter la demande de madame la générale.
De rage, je décommandais la visite mensuelle de notre curé jugeant incompatible une messe, une communion, et, l’exclusion de Charles-Henry.
La thé-party fut elle aussi reportée.
Ce soir-lā, nous dinâmes en silence autour d’un tajine d’agneau cuisiné à l’orientale avec du miel, abricots, amandes, et d’une écrasée de pommes de terre.
J’avais beaucoup de peine, je me sentais trahi, je n’approuvais pas ces propos, elle m’avait contrarié, elle m’avait profondément blessé.
Après le diner, je m’alitais tout triste m’interrogeant sur le naufrage qu’est la vieillesse .
11 -Visite nocturne
Vers trois heures du matin elle entra dans ma chambre tenant en main, la toute petite lampe de poche de feu son mari.
Elle s’assit sur le bord de mon lit, me caressa la chevelure puis, se retira comme un petit chat. Je me demandais quel rêve étrange avait traversé et habité ma nuit.
Le lendemain au petit déjeuner, je lui posais quand même la question c’était quoi ? Cette visite nocturne ?
« Figures-toi que j’ai rêvé que tu t’étais rasé le crâne, j’étais furieuse, alors, je suis venu te voir et passer ma main dans ta chevelure. Rassurée, je me suis recouché me coucher »
Je pense qu’elle était venue, s’excuser à sa manière de son comportement. La caresse sur mon crâne était une sorte de mea-culpa, sa manière de me demander pardon.
Il est souvent plus facile de communiquer avec une personne extérieure au cercle familial. Elle avait choisi l’obscurité et le silence de la nuit pour m’exprimer son regret de propos malheureux.
12 - Passeur de mémoire.
Il est plus aisé d’échanger, de partager, de divulguer avec l’homme de confiance, le majordome : l’homme des confidences.
Catholique, elle aurait pu se confesser auprès d’un prêtre, d’un curé ?
Pourquoi moi ? Certes, j’avais prié et communié avec eux j’appartenais au monde de tous les croyants, mais j’étais un protestant calviniste libéral donc : très ouvert.
Je ne me souvenais pas d’avoir partagé ou confessé quoique ce soit avec un pasteur, au tout autre homme ou femme d’église ? Le parpaillot s’adresse à l’éternel, uniquement en direct . ( Parpaillot : papillon de nuit : quolibet donné aux protestants du sud de France sous le règne de Louis XIV).
A partir de cet instant, elle se lâcha. Je pense qu’elle avait admis que son passage sur terre ne durerait pas éternellement. Elle voulait sans doute que je soies la passerelle, le passeur de mémoire : de sa mémoire.
Aujourd’hui, j’écris en espérant qu’elle ne jugera pas trop sévèrement ma manière ou mon style de lui rendre hommage.
Je ne suis resté « qu’épisodiquement » à son service, j’étais prêté par mon employeur qui s’absentait deux à trois mois par an pour participer avec ses amis à des safaris en Afrique ou ailleurs.
J’avais été autrefois employé dans le chalet de Barbie, ces jours-ci, j’étais dans le chalet de mamie.
Elle nous honorait souvent de sa visite chez mes employeurs, je l’appréciais beaucoup, je crois bien que c’était réciproque.
13- Le fils
Le fils de Marie-Eugénie participait à l’aventure africaine avec mon boss qui avait convenu de ma cession provisoire au service de la maman de son ami.
Depuis quelques années mon boss me prêtait ici et là.
J’étais libre d’accepter et ou de refuser, presque toujours j’acceptais d’être prêté mais, raisonnablement .
Je n’étais jamais très loin de ma maison de base, je pouvais intervenir s’il y avait une intrusion. Voisins, facteurs, gendarmes savaient où me trouver si un souci survenait.
Les personnes pour lesquelles j’étais au service ponctuel , me versaient un salaire qui était cumulé à mon salaire fixe. Pendant les deux mois je doublais mon salaire, je m’enrichissait en termes de relations humaines et culturelles et...pécuniairement.
Je voyais de beaux objets, de beaux meubles, je partageais bon nombre d’aventures par procuration : je m’instruisais.
14 - Pays neutre
Certes la Suisse était un pays neutre, mais énormément de citoyens de ce beau pays ont eu un dévouement et un comportement exemplaire, accompli avec désintéressement, par amour de l’autre, le tout, en toute discrétion pendant que l’Europe était en guerre.
C’était le cas de Marie-Eugénie.
Elle était née le jour de l’assomption dans une chambre ou figurait un portrait de l’impératrice Eugénie, toile peinte par Winterhalter.
Elle avait été baptisée Marie-Eugenie en souvenir de la mère du Christ et de l’Impératrice des Français.
Leur seul & unique fils avait vu le jour en mille neuf cent trente six en France. Dés sa naissance il avait été mis en nourrice dans le canton des Grisons, puis avait suivi des études supérieures dans le même canton, il était ainsi protégé de cette horrible guerre aux frontières de la Suisse.
Il parlait Suisse-Allemand, Français, Romanche, Italien et Anglais, et pratiquait le mandarin. Banquier d’affaire il était une grande pointure dans ce domaine helvétiquement protégé.
Il était en poste depuis plusieurs années entre Singapour et Hongkong.
Il disposait du charisme de son père, c’était un meneur d’homme exceptionnel tout comme ses parents.
Il adorait cuisiner avec moi. Ensembles on excellait, on se lâchait ‘’gastronomiquement".
Je me souviens de sa visite le jour ou il ramena du pays du pays Basque des piballes. La piballe ou civelle est l’alevin de l’anguille. Je le taquinais en lui disant que c’était des spaghettis de poisson.
Évidemment, il ne goûtait pas toujours mon humour helvéte.
Je me souviens d’avoir cisaillé très finement dix grosses gousses d’aulx (ail) ainsi que plusieurs piments d’Espelette.
Dans une poêle aux bords relevés, nous fîmes chauffer un doigt d’huile d’olives de Maussane-les-Alpilles puis, on jeta en deux fois les piballes trente secondes puis, on rajouta l’ail et le piment d’Espelette. Ce plat précieux ne réjouit pas tout le monde qui le dégustèrent avec interrogation.
Ça ne valait pas les filets de perche du lac Léman.
15- feu l’époux.
Le père du cuisinier de piballes avait été un grand pilote des forces aériennes françaises libres. Il avait servi dans la RAF, au sein des S.A.S. C’était un baroudeur.
J’avais eu le bonheur de connaitre le général qui était un homme splendide, beau, distingué mesurant un mètre nonante.
Toujours élégamment vêtu, c’était un très bel homme agréable et cultivé. Toujours soigneusement coiffé, il avait conservé tous ses cheveux malgré son grand âge.
Individu original, il aimait la France mais détestait la république qu’il surnommait : la gueuse.
J’ai récemment découvert l’histoire de cette appellation dont la paternité revint paraît-il au député bonapartiste du Gers : Paul de Cassagnac au début du XXéme siècle.
Quelques années auparavant , j’avais eu le bonheur d’accompagner le couple lors de leur visite du château de Versailles. J’avais été témoin ce jour-là d’un échange verbal musclé lors de cette incursion dans l’histoire.
Il avait proclamé haut et fort que les rois nous avaient laissé un patrimoine exceptionnel, la réponse d’un autre visiteur avait été: « certes, mais à quel prix en sang en misère, en famines, en larmes ».
N’appréciant pas la réplique, il avait dit : venez, Jules venez , Il s’exprima d’une manière peu élégante en déclarant : « mais qu’est-ce que le peuple pue ... » et..dire que l’on donne le droit de vote à ces gens-là »
Cet adorable coquin entretenait une maîtresse qui exerçait le sublime métier de relieuse d’art.
Prétextant restaurer ou relier des ouvrages, il se reliait à cette belle femme sous une couverture un peu particulière.
Son épouse avait découvert le pot aux roses depuis longtemps, résignée elle se contentait de dire « mais qu’est-ce qu’on relit dans cette maison par amour et par passion »
L’officier général est mort en s’accrochant les pieds dans le fil du téléphone.
Mon employeur et moi-même avons été prévenus par son épouse vers trois heures du matin.
Je me souviens encore des regards que nous avons échangés mon boss et moi-même cette nuit-là. Je me souviens de sa complicité, de la complémentarité que nous avons développé face à cette terrible situation.
Nous nous sommes redécouverts autrement, nous avons fait face à ce drame utilisant la même attitude, les mêmes mots de réconfort.
Nous nous sommes découverts une sensibilité semblable.
C’était la première fois que j’appelais mon boss par son prénom, comme si nous étions devenus soudainement des proches. Nous nous sommes efforcés de rendre un visage serein au pilote, à l’aide des secouristes. Nous l’avons allongé sur son lit attendant l’arrivée du service mortuaire.
Après les soins post-mortem, nous l’avons revêtu de son dernier uniforme militaire.
Je demeurais quelques jours chez Marie-Eugenie, attendant l’arrivée de tous les membres de sa famille.
16- Rubrique de sa vie.
Après sa mort accidentelle je suis allé rencontrer la jeune relieuse pour récupérer et payer une cinquantaine de splendides reliures armoriées marquées de l’exlibris de la famille.
Personnage haut en couleur, il n’avait jamais sa langue dans sa poche, il m’avait toujours dit: qu’il avait été un pilote de chasse, noble, beau gosse, au volant de confortables voitures, alors il en avait largement profité de la gente féminine.
Lors de notre voyage en France, avec mes employeurs, le fils du général nos dames, descendirent au Trianon Palace de Versailles.
J’étais du voyage, le général m’avait demandé de partager sa suite, ce qui ne me dérangeait pas du tout.
Il faisait doux, j’avais laissé la fenêtre de ma chambre ouverte, elle donnait sur les pâturages de la reine, j’entendais bêler les brebis.
Soudain, j’entendis la porte communicante s’ouvrir tout lentement . Quelle ne fut ma surprise de voir apparaître le général nu comme un vers au milieu de ma chambre.
Il tenait un petit miroir de rasage d’une main et sa petite loupiote de l’autre.
Ne dormant que d’un œil, je le vis s’accroupir au dessus du miroir et diriger la petite lampe vers ses testicules.
Je me demandais et je lui demandais aussitôt : avez-vous perdu quelque chose ? Oui me dit-il figures-toi que je n’ai qu’une couille ! Qu’attendez-vous ? Qu’elle repousse ?
Non mais c’est totalement inesthétique !
Ça ne vous pas empêché d’être un grand pilote et un grand baiseur semble-il ?
Oui mais, c’est quand même inesthétique !
Comme vous vous en doutez nous sommes parti sur un rire tellement fort que les voisins nous entendirent jusqu’au moment ou le réceptionnaire de nuit vint nous inviter à plus de retenue. Nous ouvrîmes le mini bar et nous trinquâmes déraisonnablement au monocouille .
Descendus pour le petit déjeuner on riait toujours, nous étions encore légèrement pompette ce qui inquiétait le restant de la famille qui ne comprenait rien , et pour cause.
Depuis cette exploration intime, j’étais toujours sur mes gardes, lorsque j’étais en sa compagnie, j’étais prêt à tout; je me disais : que va-t-il me sortir ?
À quelle sauce serais-je mangé ?
Sur la pierre tombale nœunœuf fit inscrire : «disparu lors d’un du dernier vol de reconnaissance »
Jules
julesmountbrion@outlook.com
www.mystery-butler.com
https://www.instagram.com/julesmountbrion/
Je vous retrouve prochainement avec un autre chapitre de mon éphémère emploi au service d’une femme au grand cœur.
The mystery Butler | Jules mountbrion
bottom of page