...J'essayais de rester zen et fort; cependant il était difficile d'aborder la disparition d'amis, de proches, et lui parler de la situation de son fils.
Étais-je un traître en étant complice ? Étais-je un traître en gardant pour moi des situations et filtrant des informations ? J'allais avoir une réponse au cours d'un dîner avec son fils. Sa collaboratrice m'appela et me demanda s'il m'était possible de partager un diner avec le boss et si j'avais restaurant préféré.
Il m'était impossible de ne pas accepter mais par courtoisie, je laissais à son assistante le choix du restaurant ...je ne fus pas déçu .
Episode 12
Je n'étais pas connu pour être branché et particulièrement élégant, mes amis me taquinaient sans cesse me reprochant d'être toujours habillé comme un sac de patates avec des fringues démodées & d'une autre époque.
Un proche me conseilla et insista pour me faire acheter chemises, cravates et deux costumes sur mesure en cohérence avec la saison, et l'importance de la rencontre et du lieu.
Tiré à quatre épingles, je me rendais au RV du fils de "mon monsieur" fixé à 20.45 au bar de l'hôtel Georges V proche des champs Elysées.
Arrivé en avance, je m'annonçais à l'hôtesse qui m'indiqua la table réservée auprès de la baie vitrée donnant sur la cour intérieure.
J'attendais la présence de l'invitant pour m'installer. Entretemps je visitais le bar, le jardin, les services, les boutiques, j'avais horreur de demander la direction des toilettes, j'anticipais en repérant toutes les installations.
Quelques jeunes femmes seules essayaient de capter mon regard que je détournais en souriant.
Je n'étais pas dans le hall de cet hôtel en recherche d'une rencontre éphémère sûrement tarifée.
Je connaissais la ponctualité Suisse de monsieur. A l'heure convenue je me postais près de l'entrée, je vis monsieur sortir de sa voiture se dirigeant vers
l'entrée principale.
Je ne voulais pas jouer le domestique de service, j'étais son invité: je me comportais en invité.
Je me réjouissais d'échanger avec le fils de mon boss, de partager avec lui un diner en tête à tête.
Apres nos retrouvailles nous nous dirigeâmes
vers le bar.
Nous rencontrâmes deux patrons du CAC40 qui nous invitèrent à partager leur table.
Nous étions convenus d'être seuls, les circonstances ne sont pas toujours prévisibles et évitables, il était impossible de refuser.
Je fus présenté comme l'ami de la famille & homme de confiance qui évoluait
entre Suisse & France au service de la famille et dans les affaires du groupe.
Ils m'observèrent sous toutes les coutures, j'avais droit à une inspection des chaussures à la montre via la cravate, même mon vocabulaire était disséqué, ma vielle montre Breguet était observée et enviée, je la quittais un instant pour répondre à la curiosité d'un monsieur qui voyait pour la première fois un modèle aussi rare et précieux datant de 1925: un héritage familial.
Préférant un bloody mary au Roederer cristal rosé millésimé, ces messieurs furent étonnés par mon choix, m'observant assaisonner à mon goût ce cocktail inventé, paraît-il au Ritz à la belle époque.
Je profitais pour glisser à l'oreille du maître d'hôtel de nous rappeler l'heure du diner discrètement sans offusquer les deux supers patrons.
Je privilégiais l'écoute plutôt que de participer à la discussion, on m'interrogeât sur mon parcours et ma formation, sur mon rôle.
Je souris en répondant, que j'étais une personne évoluant dans l'ombre et le silence; le devoir de réserve était mon cahier des charges quotidien au quotidien.
Le président vient à mon secours en précisant qu'ils n'obtiendraient que peu de choses sur ma fonction, sur mon rôle d'éminence grise; je n'avais pas pour vocation de trop m'exprimer.
J'étais un employé mystère au service d'une "dynastie"et d'une entreprise familiale, nos réponses laissaient perplexes ces messieurs qui me saluèrent avec courtoisie lors de notre séparation.
Je croiserais à nouveau ces messieurs dans d'autres circonstances auprès de mon monsieur en France, en Suisse & au Maroc.
J'inspirais désormais confiance j'avais un pied dans cette sphère des capitaines d'industrie, je n'imaginez pas encore que l'un de ces messieurs m'engagerait dans quelques années.
Le directeur du restaurant nous installât entre deux tables inoccupées, l'emplacement convenait tout à fait à la confidentialité du diner, diner de poissons, escorté d'un champagne "Salon" vieux millésime puis, une splendide assiette d'entremets au chocolat.
J'avais vécu différentes situations tout au long de ma vie professionnelle, c'était la première fois que je devenais le conseiller de mon président.
J'amorçais la discussion en premier pour le mettre à l'aise lui demandant comment il avait trouvé son père à l'hôpital.
Je poursuivais en parlant de sa jeunesse d'esprit, de sa combativité précisant qu'il est toujours en cohérence avec notre époque toujours connecté avec son entreprise et le monde des affaires.
Puis en souriant je lui précisais qu'il est toujours disponible pour avoir un rôle dans les affaires au cas ou ...
Le président évoqua la douloureuse situation qu'il traversait, situation complexe
mais pas désespérée.
J'écoutais et j'entendais, j'avais l'impression d'être un prêtre qui recueillait une confession.
Certes un majordome est un intime qui partage bon nombre de secrets en général mais, ce soir là j'avais l'impression d'être un frère qui soutenait son frère.
Dés que champagne disparaissait, le degré d'alcool lui apparaissait drôlement
et dangereusement.
Je voulais rester net pour échanger, pour aborder l'essentiel avec des disposition d'esprit claires & raisonnables.
The mystery Butler | Jules mountbrion